Avec Annette, Leos Carax s’est offert l’ouverture du festival de Cannes le 6 juillet 2021 et une sélection officielle en quête de Palmes. Nous avons eu la chance d’assister à l’avant-première de cet O.V.N.I. cinématographique !
Annette, le projet mystérieux
Leos Carax est probablement le plus discret des réalisateurs surdoués de sa génération. Peu friand des interviews et autres mises en avant, il ne répond que très rarement aux sollicitations journalistiques. Cela ne l’a pas empêché de travailler dur sur son dernier projet en date depuis Holy Motors en 2012. Les quelques informations qui avaient filtré faisaient état d’un film intégralement chanté, en anglais. Je vous le confirme, la fresque du réalisateur français n’a rien à envier au Moulin Rouge de Baz Luhrmann. Le scénario aborde l’histoire d’un couple d’artistes, Henry et Ann. Lui comédien et elle chanteuse profitent d’une vie de succès et de réussite jusqu’au jour où leur fille, Annette, débarque. La naissance de cet enfant prodige va bouleverser leur quotidien... et bien plus.
Adam Driver et Marion Cotillard en tête d’affiche
Le casting met à l’honneur deux artistes qui ont le vent en poupe. Marion Cotillard, dont la réputation n’est plus à faire, ni dans l’hexagone, ni au pays de l’Oncle Sam, et Adam Driver, mieux connu sur la scène geek pour son rôle dans dernière trilogie Star Wars, en tant que Kylo Ren. D’autres noms avaient auparavant défilé, notamment pour le rôle de Ann, dont Rihanna et Rooney Mara, mais leur participation a été démentie. Finalement, on y retrouve également la chanteuse belge Angèle et le génialissime Simon Helberg, connu pour son rôle dans le sitcom The Big Bang Theory.
Une bande son des Sparks
Qui dit film chanté, dit écriture des textes et des musiques. À cet égard, c’est aussi d’un come-back qu’il s’agit puisque ce sont les Sparks qui s’y sont collés. Cinéphiles de la première heure, les frères chanteurs Rock New Wave ont toujours été fans du réalisateur de Holy Motors. À tel point qu’ils lui avaient déjà jadis dédicacé une chanson : When you’re a French director.
Annette : La critique
Annette pose un regard cynique sur l’Ego.
Avec Annette, Leos Carax nous livre un chef-d’œuvre aussi perché que clivant. Dans cet opéra rock, décalé, sur fond de critique des médias contemporains, le réalisateur de Holly Motors réussit à réinventer un genre, en brisant les codes.
Ce n’est pas tant le scénario, ni la chronologie classique de la narration qui surprennent, mais bien le ton. En choisissant de décliner son long-métrage sous forme de comédie musicale, le réalisateur souligne l’aspect artistique d’Annette. Cet emballage met l’accent sur le fait qu’il est à prendre au second degré, telle une métaphore décriant les dérives du monde moderne.
Ainsi, tous les thèmes problématiques liés à l’image de soi, véhiculés via les réseaux sociaux ou via le monde du spectacle en prennent pour leur grade. Le personnage principal, Henry McHenry, vit une douce descente aux enfers. Pendant ce temps, sa toute fraiche épouse rencontre l’inarrêtable ascension vers le succès. Dans le creux de la crise, l’antihéros va petit à petit lever le voile sur ses défauts, pour devenir un monstre incontrôlable.
Des choix artistiques forts et déstabilisants
La monstruosité du personnage se développe certes au gré des crimes qu’il s’apprête à commettre, mais surtout au fur et à mesure de sa méprise pour l’être humain en tant que personne. Ce désintérêt total pour l’Autre, se matérialise définitivement lors de la naissance de sa fille. Le réalisateur a décidé de représenter l’enfant Annette d’une façon pour le moins surprenante. Sans dévoiler les petits secrets de l’intrigue, ce choix artistique terriblement déroutant trouve tout son sens dans le final du film.
Evidemment, le film n’est pas parfait. Certains passages tirent en longueur et auraient mérité plus de rigueur au montage. Le jeu de Marion Cotillard, même s’il est excellent, est occulté pour laisser place à son envahissant mari. Par conséquent, ce choix artistique souligne le caractère manichéen des personnages. Il en résulte, comme je vous le disais en introduction, un film fable qui passe par des procédés irréguliers pour mieux faire passer son message.
La prestation magistrale d’Adam Driver est à la hauteur de son talent, mais aussi à l’image de ce qu’Annette représente : Le malaise sociétal dans lequel on vit, gangréné par l’image de soi d’une part et l’image matérielle du Monde d’autre part.
Vous l’aurez compris, je me suis rangé du côté des spectateurs conquis, n’hésitez pas à me donner votre avis sur ce film d’ouverture d’un festival qui s’annonce plus atypique que jamais. Je sens que les avis vont diverger comme jamais. N’hésitez pas à commenter sur sitegeek.fr.
Vega
Moulin Rouge?