Hollywood semble décidé à redorer le blason des films d’horreur avec des longs-métrages de qualité. Dernier exemple en date : Sans un Bruit. Un film au pitch intelligent et à la réalisation finement maîtrisée…
Chut !
Figurant parmi les films de 2018 que j’attendais, Sans un Bruit (ou A Quiet Place dans la langue de William). Ce qui est bien surprenant, moi qui ne suis pas particulièrement friand de films d’horreur. Outre ma délicatesse face aux films d’épouvantes, c’est la décadence d’un genre que je regrette. Ces vingt dernières années, les films d’horreur ont aligné des gimmicks faciles, sans esprit, et truffés de jumpscares forcés. Peu de films travaillent leur décorum, leur ambiance et leurs personnages. Nous avions droit l’an dernier à Ça, et cette année c’est indiscutablement Sans un Bruit qui ouvre la marche funèbre.
Mais de quoi parle donc le film de John Krasinski ? Eh bien déjà, il ne parle pas beaucoup. Sans un Bruit se construit autour d’un concept à la fois simple mais aussi peu exploré dans le monde si loquace du cinéma. Le bruit tue ! Non, non, non, ce n’est pas une métaphore. Émettre du bruit au-delà du son ambiant est réellement dangereux. Le film nous l’apprend d’ailleurs dès les premières minutes de manière intense et dramatique. Le contrat social est rapidement posé. Un propos clair, des enjeux basiques mais accessibles à tou.te.s. Sans un Bruit ne gâche aucune de ses 90 minutes et nous permet très vite de comprendre ce qu’il propose. Nous sommes ensuite crispés à notre chaise en suivant – avec une certaine réticence – les péripéties des protagonistes.
La vie de famille
Si l’usage du bruit comme vecteur horrifique relève du génie, ce n’est pas le seul aspect surprenant du film. Loin du slasher et de ses gosses de riches dévergondés. Loin des brutes sans foi ni loi qui cachent de sombres secrets. Sans un Bruit met en scène une famille absolument ordinaire, qui a appris (et apprend encore) à survivre dans un monde où les grandes gueules ont disparu. Restent des quidams, comme eux, qui essaient de se reconstruire une vie au calme (littéralement) et aspirent à un peu de bonheur, en dépit de la situation. Navré si je reste énigmatique mais je ne souhaite pas spoiler (rendez-vous en commentaires pour plus de détails).
Le fait d’opter pour une famille suscite l’empathie du spectateur. Nous ne sommes plus là pour regarder un film d’horreur mais nous mettre à la place de ces gens ordinaires confrontés à une situation qu’on ne souhaiterait pas à notre pire ennemi (quoique…). Cette approche nous implique plus et renforce la tension engendrée par le film dès qu’un personnage provoque un bruit par inadvertance. Ce mélange de crispation et de profonde empathie font de Sans un Bruit un film singulier, qui ne se contente pas de faire de l’horreur pour l’horreur mais cherche également à toucher le spectateur. C’est réussi.
Casting minimaliste
Encore faut-il pour nous toucher choisir le bon casting. Et John Krasinski n’a pas dû chercher bien loin puisqu’il occupe le rôle masculin principal, tandis que sa femme Emily Blunt occupe le pendant féminin. Il convient là encore de saluer ces deux choix. L’implication de Krasinski lui a visiblement permis de cerner toutes les subtilités de son personnage et de l’incarner avec ses tripes. Mais Emily Blunt vole clairement la vedette à son mari avec – et je pèse mes mots – la meilleure prestation de sa carrière. Déjà splendide dans Sicario et Edge of Tomorrow (entre autres), l’actrice britannique représente le liant qui rend cette famille si touchante. Résiliente et forte, son personnage n’en oublie pas de profiter des moments de tendresse qu’elle peut partager avec les siens. Un vrai bonheur de voir Blunt camper ce rôle.
On peut également saluer la prestation de la jeune Millicent Simmonds, aînée sourde et muette de la famille. Un trait que l’actrice partage avec son personnage, ce qui ne l’empêche pas de jouer son rôle à merveille. Je dirais même qu’elle le rend d’autant plus crédible. Reste Noah Jupe, ce jeune acteur de 13 ans qui compte déjà une quinzaine de rôles sur son CV et qui confirme globalement son talent. On note quelques séquences où le jeu refait surface au détriment de l’immersion. Mais là, je chipote. Dans l’ensemble, Sans un Bruit peut compter sur un casting magnifique qui rend le film d’autant plus authentique et prenant.
Mais c’est un film d’horreur ou pas à la fin ?!
C’est bien la question que je me suis posé dès les 5 premières minutes de Sans un Bruit. Tout d’abord car le premier trailer (le seul que j’ai visionné) ne m’avait pas préparé à ce film. Hormis la dimension sonore de l’horreur, je m’attendais à un cadre complètement différent. Or, les premières notes du film renvoient à la survie et non à un contexte traditionnellement horrifique. C’est aussi cela qui rend le film – et ses protagonistes – plus touchants.
Néanmoins, Sans un Bruit rappelle très vite qu’il est un film d’horreur, en sollicitant les poncifs du genre. On a donc bien droit aux jumpscares, aux coïncidences improbables, aux rebondissements frappants… Et je vous avoue que j’ignore encore comment prendre ces quelques sursauts. Entre les moments où je les trouve excellents car répondant aux besoins de l’étiquette que se donne le film, et ceux où j’ai l’impression qu’il perd de sa profondeur, je suis divisé. Au fond, je pense que les deux perceptions restent légitimes mais je tiens à souligner cette dissonance car le film ne nous y prépare pas forcément. En particulier à la fin.
Faites du bruit !
Voilà encore un film capable de me réconcilier avec un genre que j’avais complètement déserté. Sans un Bruit transcende les gimmicks faciles qui polluent les films d’horreur contemporains et propose un mélange tantôt subtil, tantôt perturbant entre un cinéma d’horreur classique et l’épopée plus intimiste d’une famille vivant dans un contexte terrifiant. L’usage du son comme levier horrifique est une idée ingénieuse, tandis que le film peut compter sur un casting excellent – porté par une Emily Blunt au sommet de son art – pour l’exploiter. Bref, Sans un Bruit est probablement le film d’horreur de l’année. Je dirais même un des meilleurs films de l’année, ce qui s’avère tout de suite moins évident.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à faire un tour sur le site officiel de Sans un Bruit.
À bientôt sur Sitegeek.fr,
Musa
Bande-annonce
J’ai également vu la bande-annonce de ce film, mais je n’ai pas eu l’occasion de le visionner (ou plutôt j’ai eu la frousse, LOL). Quoi qu’il en soit, je pense que je vais me lancer ce weekend, mais je vais m’assurer d’être entourée de tout le monde. :P
En tant que grand froussard moi-même, je peux t’assurer qu’on survit au visionnage du film, malgré quelques scènes où l’on sursaute… :-)