Fils spirituel d’un des meilleurs films de science-fiction de son époque, Blade Runner 2049 a pu compter sur un cinéaste contemporain de premier choix. Encore fallait-il trouver des scénaristes à la hauteur…
Blade Runner 2049, fils d’un échec critique
On a tendance à oublier que la culture est une entité vivante et évolutive. Un film qui n’a pas plu hier peut devenir le classique de demain. Une réalité à double-tranchant, pouvant transformer un navet en film culte et faire de l’ombre à un chef-d’oeuvre sous-estimé. Blade Runner, sorti en 1982 et réalisé par Ridley Scott, n’a pas toujours bénéficié de sa réputation actuelle. Ode au cinéma de science-fiction, posant les termes de débats passionnants, le film proposait un regard intéressant sur la décadence de notre société de consommation et sur les enjeux de l’intelligence artificielle. Bien que vague, Blade Runner amenait son propos avec subtilité et provocation, laissant des hordes de cinéphiles débattre sur la véritable nature de Rick Deckard.
Blade Runner 2049 posait donc la question : une suite était-elle nécessaire ? Après l’avoir vu, je m’interroge. J’étais pourtant enthousiaste, avec Dennis Villeneuve derrière la caméra. Incendies, Sicario, Prisoners et l’excellentissime Premier Contact (Arrival en VO) doivent beaucoup à leur réalisateur, qui est ni plus, ni moins un réalisateur de génie. Malheureusement pour Blade Runner 2049, l’écriture n’a pas suivi.
Un régal pour les yeux et les oreilles
D’ailleurs, disons-le d’emblée : Blade Runner 2049 jouit d’une réalisation grandiose. Plus qu’un hommage à la vision de Ridley Scott (et à l’oeuvre de Philip K. Dick, dont se sont inspirés Scott et bien d’autres artistes), c’est une suite en bonne et due forme que nous propose Dennis Villeneuve. Les choix des plans, les costumes, les véhicules, les immeubles, bref l’ambiance retranscrit fidèlement – trois décennies plus tard – ce que le monde a pu devenir. Un cadre sombre, malsain, brutal mais aussi crédible et authentique. Les filtres et l’étalonnage nous replongent dans cette même ambiance qu’il y a 35 ans. Quel tour de force !
À la photographie impeccable s’ajoute une maîtrise du son bluffante. Comme souvent, Villeneuve recourt peu à la musique et la remplace par des thèmes d’ambiance, avec des vibrations, des sons qui proviennent de toutes les directions et quelques notes subtiles pour renforcer l’immersion (notamment lors de cette scène où je me suis retourné, pensant avoir entendu du bruit derrière moi alors que ça venait du film). Quelques notes de synthé renvoient subtilement à l’ambiance créée par Vangelis et Ridley Scott en 1982. Je suis de ceux qui évitent comme la peste les films en 3D, en Atmos ou encore en IMAX. Un grand écran, une projection digitale, de la VO et je suis comblé. Avec Blade Runner 2049, Dennis Villeneuve prouve que c’est largement suffisant. Il suffit d’un bon réalisateur derrière la caméra. Et d’un Hans Zimmer à la composition !
https://www.youtube.com/watch?v=K5eJ79kod1Q
Le soulèvement des machines ? Ou pas… Ou si, quand même…
Si nul ne contestera le talent de Dennis Villeneuve, le scénario m’a laissé perplexe. J’ai longuement réfléchi après avoir vu le film. J’ai repassé les images, repensé aux intervenants et aux enjeux. Et même après réflexion, rien à faire, je ne suis pas convaincu. Je vais tâcher d’expliquer pourquoi sans spoiler. Tout d’abord, le film propose un regard très intimiste sur l’histoire, à travers son héros K (Ryan Gosling). Réplicant lui-même, K est aussi un blade runner, c’est-à-dire un chasseur de réplicants. C’est sous son regard que le film se dévoile et si ça avait du sens en 1982 avec Harrison Ford, c’est parce que son personnage Rick Deckard était au coeur du propos du film. Pour rappel, celui-ci posait la question suivante : un androïde peut-il être “humain” ?
Dans Blade Runner 2049, les enjeux sont tout autres. Les limiter à la perception de K est logique jusqu’à un certain point, puisque c’est sa découverte qui va lancer le film. Mais cette limitation ne peut tenir 2h40. Or, le tournant qu’on attend n’arrive jamais vraiment et les enjeux globaux ne sont jamais traités. Quel avenir pour les réplicants ? Quelle société pour demain ? Qui des différents groupes impliqués obtient ce qu’il veut ? Quelles sont les implications ? Ces questions ne sont pas abordées et la conclusion dramatique et satisfaisante de Blade Runner, avec le célèbre monologue de Roy Blatt, ne trouve pas d’écho dans cette suite. En outre, le scénario s’avère assez prévisible pour un spectateur perspicace. Du coup, en dehors de quelques surprises, les rebondissements manquent de punch.
On est en 2049… et alors ?
Contrairement au scénario, le contexte s’avère plus cohérent. Le bilan reste malgré tout mitigé car si Blade Runner 2049 peut compter sur Villeneuve pour dépeindre un monde aussi authentique que malsain, son propos social reste modéré. Concrètement, la société de 2049 est similaire à la nôtre, les tares étant poussées à l’extrême. Je pense notamment à l’objectification des femmes, avec par exemple des hologrammes géants de femmes nues qui font la pub de l’application d’une petite amie virtuelle. Ou encore des salles de prostitution où les ébats ont lieu pratiquement sur la place publique. C’est sale, c’est malsain, c’est dégoûtant. La publicité est omniprésente (avec le joli clin d’oeil Coca-Cola au film original) et agresse visuellement une population précaire mais prête à tout pour consommer.
“Mais alors où se situe le défaut ?” Eh bien à l’image du scénario, la dimension satirique manque d’implication. Pas esthétique, mais plutôt philosophique. Certes, le monde de 2049 est répugnant. Mais encore ? Si le réalisateur nous propose cette vision noire et sombre du futur, quelle est sa motivation ? Certains affirmeront – et je peux le comprendre – que Villeneuve ne doit pas forcément prendre position. Qu’il n’a pas à “s’exprimer” sur ce monde, qui est tel qu’il est, un point c’est tout. Je reste convaincu qu’il aurait pu explorer le filon pour proposer une réflexion au spectateur sans forcément le prendre par la main. Car en l’état, on a plusieurs fois l’impression que la dimension trash du film est purement gratuite.
Des acteurs et des robots
Malgré le panel d’acteurs et actrices finement choisis, le casting souffre des errances scénaristiques du film. À commencer par Jared Leto, dont les interventions énigmatiques de la bande-annonce se traduisent par un méchant monomaniaque et sans intérêt. Son objectif est simple (simpliste ?), bête et méchant. Il aurait pu donner lieu à une discussion passionnante si le personnage et l’histoire étaient traités. Et sans ça, il perd toute pertinence. Son assistante Luv (Sylvia Hoeks) s’avère plus intéressante mais une fois de plus, sa personnalité n’est pas suffisamment travaillée pour qu’on en cerne les motivations. Harrison Ford se limite quant à lui un à quasi-caméo. Il assure toutefois la continuité avec l’autre film, ce qui est toujours bon dans une suite.
Blade Runner 2049 peut compter sur Ryan Gosling pour tenir le film sur ses épaules. Malgré les soucis d’écriture, l’acteur rend son personnage attachant et crédible. S’il semble assez fade au début, les mystères qui le troublent le déstabilisent énormément et suscitent une nouvelle fois le thème qui aurait dû être au coeur du film : “l’humanité” des réplicants. Une question qu’aurait aussi pu soulever Joi, la petite amie virtuelle de K. Malheureusement, on se contente d’une romance assez superficielle avec une scène hot vachement creepy et sans intérêt car ne donnant lieu – une fois de plus – à aucune réflexion.
Bel hommage mais loin du chef-d’oeuvre
On me rétorque souvent que le cinéma peut divertir sans proposer de réfléchir. Je suis tout à fait d’accord (mais ça mérite une plus longue discussion). Mais reléguer Blade Runner 2049, successeur du chef-d’oeuvre de Ridley Scott, à un simple divertissement serait une injure. Avec sa société crade au possible, ses androïdes sensibles et les enjeux du contexte pour le monde de demain, le film constitue une mine d’or à même de nourrir la réflexion du spectateur. Quel dommage qu’il n’y contribue pas en laissant plusieurs de ces éléments sur le côté. En guise de compensation, Blade Runner 2049 s’offre les services d’un Dennis Villeneuve au sommet de son art avec une réalisation époustouflante. Malheureusement, ce n’est pas suffisant pour moi.
N’hésitez pas à commenter si vous estimez que je suis passé à côté du film ou si vous avez une autre lecture à proposer !
À bientôt sur Sitegeek.fr,
Musa
Bande-annonce
Bonjour à tous, autant le premier Blade Runner apportait quelque chose, autant cette suite est suite est creuse longue et ennuyeuse. Les images sont belles les effets spéciaux sont bien fait, mais l’histoire est sasn interet sans queue ni tête et surtout c’est long c’est long c ‘est long c’est long… Bref des images “jolies” mais chiantes.
je me suis ennuyé comme jamais depuis bien longtemps en regardants des images… bref super déçue.
j’ai vraiment perdu mon temps devant l’écran. Dommage.
Alors que j’en attendais beaucoup, la déception et la colère sont à la hauteur de l’enjeu.
Il est clair que je nourrissais quelques craintes quand j’ai su que Villeneuve s’emparait du mastodonte SF qu’est Blade Runner. J’avais trouvé Sicarios idiot et The Arrival totalement prétentieux, voire parfois drôlatique (le heptapodes sont grotesques).
Et je dois dire que le visionnage de Blade Runner 2049 n’a fait que confirmer mes craintes, et j’ai retrouvé les mêmes travers que j’avais pu constater dans les précédentes oeuvres de Villeneuve: une belle photo, une belle lumière, un style pompeux, et surtout un produit final prétentieux et risible.
Villeneuve a un vrai problème d’écriture. Les personnages sont systématiquement creux, sans enjeu, ne génèrent aucune empathie particulière. Les intrigues simplistes sont volontairement et inutilement complexifiées afin de donner une profondeur au propos, mais ce stratagème ne fait pas illusion. Le résultat donne des scènes beaucoup trop pour ce qu’elles sont sensées dire (la scène de triolisme avec la prostituée et la petite amie virtuelle en devient embarrassante). Le film perd en rythme et le spectateur perd le fil conducteur global.
Je n’ai rien contre la lenteur, mais pas quand elle est un pur remplissage. Ici c’est même pire, certaines scènes ne présentent strictement aucun intérêt (la scène de l’hologramme géant de fille nue), et ne mériteraient même pas de figurer dans un director’s cut.
La cerise sur le gateau reste quand même le scénario lui-même, totalement improbable, dans lequel on ne se sent absolument pas impliqué. Ok d’accord, Rachel était un modèle expérimental, mais quand même, de là à enfanter. Si on ajoute à ça le tour de passe-passe de changement d’identité pour cacher l’enfant auquel je n’ai rien compris (je m’étais peut-être assoupi, ceci dit), on se dit que le scénario a été écrit à la truelle. L’axe narratif était bancal dès le début, mais Villeneuve s’est obstiné dans cette voie. Difficile de récupérer un tel postulat de départ.
L’ensemble du film est quand même balourd, sans nuances. Villeneuve ne sait pas jouer avec les silences et tout ce qui pourrait être qualifié de contemplatif est en fait très emprunté. On sent le mec qui se dit: “OK, là, on va faire un plan de coupe contemplatif”. C’est tout sauf spontané, intuitif et c’est donc très très lourd.
Reste la beauté plastique. C’est beau, c’est indéniable. Mais je ne vois pas de différence avec le chef d’oeuvre de 1982, qui reste pour moi parfait (le travail sur les décors me laisse toujours pantois). Mais la beauté n’est pas tout, loin de là. Si on prend des séries comme The Wire ou The Shield, avec leurs pelloches dégueu, et bien on comprend que le récit et la direction d’acteurs font tout. Le reste est cosmétique.
Il paraît que Villeneuve s’est emparé de Dune. Là, j’ai vraiment très peur. A-t-il décidé de vendanger tous les monuments de la SF? Ou quelqu’un finira-t-il pas lui dire qu’il fait de la merde?
J’ai, au contraire, beaucoup aimé le film mais son propos reste flou. En même temps c’est dans ce flou que je trouve qu’il ressemble bien au premier Blade Runner, je m’explique :
/////SPOILER ALERT/////
J’ai vu deux thématiques dans le film ; la première c’est l’opposition réel/virtuel : la petite amie de K joue un rôle d’autant plus important que c’est elle qui introduit cette question. La frontière entre humain et androïde étant devenue caduque, il y a maintenant les êtres vivants (le réel) et les êtres virtuels (comme JOI). Je suis sûr que par ce biais ce film résonnera beaucoup plus fortement dans 30 ans sur ces questions. D’ailleurs si elle est virtuelle, ses sentiments sont-ils réels ? (vous avez 4 heures pour répondre)
Sur la distinction réel/virtuel, la fin m’a d’ailleurs laissé songeur, l’architecte des souvenirs semble créer en direct la mort de K (la neige tourbillonnante), c’est donc à se demander si K n’est pas lui-même un être virtuel dans un rêve, non ?
Le deuxième thème que j’ai vu c’est l’opposition liberté/déterminisme ; en effet à partir de quel moment les androïdes peuvent-ils jouir d’une liberté quand ils ne sont que le résultat d’une programmation ? La série 7 semblait avoir acquis cette liberté d’où les problèmes que l’on retrouvait dans le premier film. La série 8, elle, semble avoir été fabriquée sans cette capacité, elle est complètement déterminée par sa programmation et même par ses souvenirs qui les forcent à agir d’une certaine façon. Qui nous dit que K n’est pas depuis le début le jouet d’une petite fille qui veut retrouver son père ? En créant ses souvenirs, en forgeant sa psyché elle peut avoir téléguidé K dans sa quête. De même, je me suis demandé qu’est-ce qui opposait vraiment les deux camps Wallace et les anciens Nexus, visiblement ils veulent tous les deux rêvent d’une société qui accepteraient mieux les androïdes. Mais là où Wallace se pose en dieu vis-à-vis des androïdes (leur donnant vie et mort) le groupe dissident des Nexus semble vouloir disposer d’eux-mêmes sans personne pour leur dicter quoi faire.
Bref, je n’ai pas les réponses aux questions, mais je trouve que le film pose énormément de questions et que tout à chacun y verra ses propres réponses et en cela il fait écho au premier film qui ne nous mâchait pas le travail de réflexion.
Je n’adhère malheureusement pas à ces deux questions car elles partent d’une série de postulats que doit extrapoler le spectateur du film. En gros, ce sont des questions qu’on s’invente et non pas des questions que le film pose. Je n’ai aucun souci avec ça, je le fais aussi, mais ce n’est pas l’objet de ma critique :-) en tout cas, si c’est ce que ça t’a fait, tant mieux, il n’y a rien de mieux que de sortir d’un film avec le cerveau en ébullition ^^
Bonjour,
Je laisse un commentaire, ce qui ne sera pas une analyse mais plutôt le commentaire de ton commentaire sur le film.
(À lire après avoir vu le film !!!)
Je vais juste amorcer deux points sur lesquels je m’y retrouve pas :
1. Le scénario du premier Blade Runner
Je lis chez beaucoup de personnes que le scenario du Blade Runner 2049 est faible. Alors que comparativement au premier il est tout aussi bon.
Ma première réflexion sur cela c’est que l’écriture du scénario est une œuvre à part entière et comme dans toutes formes d’art, il y a plusieurs manières d’écrire. J’ai l’impression que les gens qui disent que le scénario n’est pas solide, c’est parce qu’ils s’attendent à une structure de scénario que l’on retrouve dans Minority Report ou Inception (structure similaire dans l’écriture, je pourrai développer si jamais c’est demandé)
Donc, il est vrai le Blade Runner 2049 n’a pas cette écriture, mais possède bien la même écriture que le premier du nom. Le premier Blade Runner ne se repose pas sur “Qu’est-ce qui différencie les Humains des Replicants ?” Cela va plus loin car aux premiers abords, rien ne les différencies en apparence physique. Blade Runner va dans le mental : “Qu’est-ce qui différencie un humain et un Replicant si ce dernier est capable de rêver et de désirer ne pas mourir” et là la frontière devient floue car malgré leur force et la douleur inexistante chez eux, Roy ne souhaite pas mourir, il a un instinct de survie, un désir humain.
Sauf que le film lance la question mais ne propose pas de réponse, libre à chaque personne d’y répondre. Et justement, la non-réponse ainsi que la frontière floue entre l’humain et le Replicant a entraîné pour moi la question de “Deckart est-il un Replicant ?”
Le second film fait la même chose par une écriture similaire mais d’autres questions : “Où est la frontière entre l’humain et le Replicant si ce dernier peut donner la vie ?” Et la deuxième, “Où est la frontière si un replicant connaît la tristesse, le doute et le désir d’avoir un parent ?” Ce qui est le cas pour K (R. Gosling).
Ici encore le film ne donne pas de réponse. Les deux films reposent sur une structure de scénario digne d’un poème. (Imagine que le dormeur du Val soit un Replicant, et que tu lises ce poème sans avoir eu d’analyse avant, la question de dort-il ou est-il mort se posera).
D’autres films répondent à des écritures de scenario similaire à ce qu’on pourrait voir dans l’impressionnisme voire l’abstraction en peinture. Mais lorsqu’on attend ou compare avec du Neo-classicisme, là est l’erreur. Autre exemple :
2001 l’Odyssé : pose des questions et laisse aucune réponse claire, donc abstraction totale
Interstellar : pose des questions et réponds clairement, structure plus claire pour le spectacteur comme un tableau neo-classique.
2. Deuxième point : le rôle de Jared Leto.
Pourquoi est-il un méchant ? Je trouve aucun élément fort pour me dire que s’en est un. Que veut-il exactement en voulant récupérer l’enfant ? La mise en scène est son physique et ses dialogue renvoie à ce que certaines personnes imaginent être l’architecte de Matrix version Blade Runner. Mais comme pour l’architect, je vois des personnes qui ont un intérêt mais ça ne fait pas pour moi des méchants. Cela dépendra du spectateur et ses propres valeurs pour cataloguer le personnage de méchant ou non.
Dernier point, une question ouverte à tous dans le domaine de l’art : “c’est quoi un chef-d’œuvre ?”
Pourquoi Blade Runner en est-il un ? Avant gardiste ?
Mais s’il était apparu après Total recall, Terminator et Minority Report ? (Être précurseur ne veut pas dire chef-d’œuvre d’office)
Et nous spectacteur, quand on fait une suite à un chef-d’œuvre comment devons-nous l’aborder ?
Peut-on se permettre de mettre dans une critique : “je voulais un chef d’œuvre comme l’original et je ne l’ai pas eu donc ce n’est pas bon” ? (Exemple pour la musique du film) alors qu’il faudrait se demander : “c’est quoi un chef-d’œuvre ?
Et si l’humain est un chef-d’œuvre, le Replicant peut-il en être un également ?
Ted
Merci pour le commentaire, qui a le mérite de nourrir la réflexion. Je vais répondre succinctement car je manque de temps :
1) Il faut essayer – je dis bien “essayer” car je conçois que ça nous est tous difficile – distinguer notre perception du scénario, ce que l’on en extrapole et ce qu’il dit/essaie de dire. En effet, le premier Blade Runner pose la question, comme je l’écris dans l’article, sur la différence ténue entre le réplicant et l’humain, voire suggère qu’un réplicant peut être plus humain qu’un humain. Il se construit autour de ça et laisse le spectateur avec ses propres réflexions (comme avec l’ambiguïté pas si ambiguë autour de Deckard). Blade Runner 2049 ne se contente malheureusement pas de cette réflexion. Il pose d’autres questions qu’il ne développe jamais, comme le fait que des réplicants puissent enfanter, le fait qu’ils souhaitent se révolter, le fait que d’autres souhaitent dominer l’humanité… Là, ce n’est plus moi qui interprète, je me contente juste de voir ce que le film suggère… sans jamais le développer. Et là, ce n’est plus un simple problème de j’aime/j’aime pas mais un souci d’écriture car le film lance des éléments de manière très sommaire sans les traiter. Je l’ai dit, je n’attends pas forcément une réponse mais j’attends à tout le moins une réponse correctement formulée. J’aurais trouvé ça plus intéressant que la scène en marge du bordel qui, elle non plus, ne sert pas à grand-chose car à l’image du reste, elle n’est pas développée. On la balance juste là.
2) Pour Jared Leto, il est le méchant car le film le construit tel quel. On ne peut pas analyser un film sans en voir les codes. Ces derniers ici – dans le rythme, le ton, les interventions, les interactions, etc. – renvoient Wallace à l’image de l’antagoniste. S’il ne l’est pas, alors il y a un souci dans l’usage des codes. D’autant que moi, je ne suis pas contre le fait qu’il ne soit pas le méchant, je ne comprends juste pas son rôle dans le film puisqu’il n’a, en terme d’influence, aucune utilité. Retirez-le du film et celui-ci ne change pas.
Enfin pour la question du chef-d’oeuvre, on entre dans un débat qui frôle la philosophie et je ne pense pas qu’il soit judicieux de le mener ici. Je tiens à rappeler également qu’une critique reste avant tout la vision honnête de son rédacteur, je ne prétends pas avoir la vérité infuse ou absolue. Cela étant, je m’attelle comme je peux à relever les défauts et qualités d’une oeuvre et à ensuite faire passer mon ressenti par rapport à ceux-ci. C’est déjà un travail en soi :-)
Voilà, encore merci pour l’échange et une excellente soirée !
L’explication de l’enfantement n’est pas à mon sens pertinent..c’est comme rechercher une explication scientifique de comment fonctionnent exactement les Replicants dans ce film (je prends également l’exemple d’un film comme inception où le fonctionnement de la machine par simples tuyaux en plastiques amène des gens dans le même rêve et ce n’est pas expliqué. C’est un postulat à accepter et de là débute l’histoire)
Pour la question de la révolte, cela renvoie pour moi à ce que le spectateur souhaitait voir. Il y a malheureusement des phrases et des mots utilisés dans les films qui vont faire penser à certains spectateurs que l’histoire va les amener vers telle ou telle route. Alors je comprends que de part cette scène on aurait imaginé une suite grandiloquente mais rien ne force à prendre cette voie sans que le récit en pâtisse à mon sens.
La question de révolution sera encore plus claire après un deuxième visionnage car elle est liée a un sentiment que j’ai qui renvoie à ton deuxième point : pour Wallace (Leto) serait-il un humain et non un Replicant ? Au final dans les deux films, quelle est la place dans le récit donné aux Replicant et celle aux humains ?
Wallas dit cette phrase “il l’aime, je le vois aussi claire que dans un rêve”
Un humain dirait-il cela ?
À l’image de la scène d’amour, il y a une perte de repères, les visages se mélangent, les corps se ressembles, les gestes sont dans un semi parallèlisme.
Wallas à des millions d’enfants, mais peut être est-il aussi un Replicants. Et quand il cherche l’enfant, c’est peut être chercher avec ses propres ressources une manière d’être encore plus humain. En créant d’autres Replicants il prend la place du créateur, mais engendrer un enfant, quel rêve pour Replicant qui cherche une raison à son existence.
Alors les autres machines souhaitent la guerre ou la révolution, est-ce nécessairement par les armes ? Pourquoi ne pas utiliser l’enfant comme objet de propagande pour justifier leur droit à la vie ?
Ce que le sergent Joshi (Robin Wright) que K apporte la guerre parce que le monde est construit sur des repères bien établis avec le mur qui sépare le créateur de la création. Mais si ce mur s’écroule, c’est un changement de société qui s’opère. Mais le guerre ne signifie pas arme et destruction de vie forcément.
Parcontre la réponse sur Deckart n’est pas une évidence à mon sens en se tenant seulement au premier film.
Est-ce plus probable qu’un humain rêve d’un animal faisant partie des légendes humaines (la licorne) ou qu’on intègre a un Replicant des souvenir ou des rêves d’un animal qui n’existe pas ?
Je terminerai à dire que, c’est deux films comme d’autre propose une expérience cinématographique basée sur l’émotion (du moins je le vois comme cela) à l’instar de 2001 ou dernièrement Mother. Le rapport carthesien avec la recherche d’explication ou de développement de tout dans le film n’est pas toujours ce vers quoi le spectateur doit se tourner.
Par exemple, je pense que Dunkirk de Nolan est tout aussi bien qu’un inception mais n’obtiendra pas le retentissement et la présence dans l’imaginaire collectif que ce dernier. Parce qu’à la base, il ne souhaitait pas raconter beaucoup de choses ou plutôt pas vraiment développer. Il souhaitait d’ailleurs tourner sans scenario mais sa productrice et femme lui en a demandé d’en faire un. Sauf que celui-ci fait 17 pages ce qui vaut peut-être aux 10 premières minutes dnun soap opéra, et le film fait presque 3h.
Ce que je dirais pour conclure c’est que : là où les personnes vont pointer une faiblesse de scenario de la par de l’auteur, on peut y voir également un publique recherchant absolument tout développement ou explication pour ne pas perdre..ses repères…
Merci à toi et bonne continuation pour ton site !
Je te rejoindrais sur ta conclusion si j’étais du genre à chercher une explication rationnelle à tout mais ce n’est précisément pas mon cas. C’est pourquoi j’ai adoré Dunkerque, car le film présente ses ambitions et remplit son cahier de charges (même si j’ai précisé dans ma critique que tout le monde n’aimerait pas). C’est-à-dire qu’il traite ce qu’il présente. Ce que ne fait pas Blade Runner 2049. Mais bon, il se fait tard et je n’ai plus la force d’écrire… Au plaisir de discuter cinéma une autre fois ^^
Perso j’ai beaucoup aimé, mais c’est typiquement le genre de film à diviser. De par son ambiance, est éthique, déroulement et message.
Merci pour le commentaire. Je répète souvent qu’il faut distinguer deux choses différentes : ce qu’on aime et ce qui relève des qualités et défauts. Je peux tout à fait entendre que des gens aient aimé Blade Runner 2049. Moi, je n’ai pas tant aimé.
Une fois passé ce désaccord, ce que j’essaie modestement de faire dans mes critiques, c’est aussi de m’intéresser aux qualités et défauts plus ou moins objectifs du film. Ici, clairement, y a un souci d’écriture. Mais si un spectateur arrive à passer outre et aime, franchement, tant mieux pour lui.
Je donne toujours l’exemple des Fast & Furious, qui sont franchement de mauvais films (même pour des films d’action) mais y a rien à faire, j’adore ! :D
Bonne soirée !
Si le trash n’avait pas été gratuit comme vous dites, il l’aurait, peut être (ce n’est que mon avis sur le moment),même sûrement mené jusqu’au bout.
Excellente critique!! J’en suis arrivé aux mêmes conclusions que vous. De plus pour moi, là ou le film perd le fil c’est lorsque K apprend que son rêve était celui d’une autre et sa” non réaction”, j’ai le sentiment que tout le film retombe a ce moment là. Il aurait pu entrer en fureur d’avoir été “joué ” d’y avoir cru, réagissant ainsi presque plus humainement qu’il ne le fait (il sauve Deckard). Si le premier était “basé” sur le rêve (propre à l’humain) l’eau le bleu, la suite plus réaliste/nihiliste où il n’y plus que de la terre et du feu aurait dû mener jusqu’au bout l’évolution du perso principal.
Merci pour votre commentaire.
[ATTENTION, SPOILERS]
Et très intéressant point de vue, je dois dire. Moi, je me disais que le film aurait dû prendre une tournure plus grande et s’intéresser aux enjeux globaux, c’est-à-dire le futur de l’humanité VS les réplicants. Et surtout, quels réplicants ? Est-ce les vieux Nexus 7 qui vont enfin se normaliser ? Va-t-on accepter, suite à la naissance d’un enfant réplicant, que ces derniers sont “humains” ? Va-t-on assister, comme le veut Wallace, à la domination des réplicants face aux insectes humains ? Car ce sont ces questions que pose la révélation du début. Or, on n’en parle jamais.
Mais ce que vous, vous dites, c’est que le film aurait pu aussi pousser au bout la vision intimiste de K. Et c’est vrai, il aurait pu. Je pense à la scène où il “apprend” que c’est lui dans la vision (première fois qu’il montre le souvenir à la fille) et où il gueule. Sa réaction et le jeu de Gosling sont superbes, là. Et après, ça retombe effectivement petit à petit. C’est vraiment dommage car même dans la trame qu’il propose, le film n’est pas abouti.
Enfin, merci pour cette réflexion. N’hésitez pas à partager l’article si vous le jugez pertinent :-)
Excellente journée !