Décidément, chaque fois que je n’attends plus rien d’un film solo Marvel, le studio américain frappe fort. Black Panther se hisse ainsi au top du classement, vive le roi !
Black Panther : entre extase et racisme
J’étais tiraillé entre deux émotions avant de voir Black Panther. La lassitude, d’abord. Chaque fois qu’une boîte de production fait son lobbying marketing pour mettre en avant les critiques élogieuses d’un film quelques jours avant sa sortie, je suis vigilant. Tant d’unanimisme m’inquiète… tout le monde ne peut pas avoir tant aimé un film ! Or, la majorité des critiques j’ai lues dernièrement encensent Black Panther. L’autre émotion, c’est la colère. À l’heure où d’aucuns affirment qu’il n’y aurait aucun phénomène raciste et répandu vis-à-vis des noirs, on constate des manipulations renvoyant les recherches de Black Panther vers La Planète des Singes. Ou encore un vote populaire négatif sur IMDb pour discréditer le film, qui a moins que la moyenne Marvel.
C’est donc avec l’espoir d’une bonne surprise et de fermer le clapet des trolls racistes que je suis allé voir Black Panther. La bande-annonce n’était pas particulièrement attirante, malgré la hype provoquée sur les réseaux sociaux. Mais je gardais un très bon souvenir du personnage dans Captain America Civil War. Un héros charismatique et plein de potentiel. L’autre lueur d’espoir, c’était Ryan Coogler derrière la caméra, qui avait déjà signé un excellent Creed. Bref, j’ai vu Black Panther… et c’est un excellent Marvel !
Pour une Afrique autonome
Sans spoiler, il me semble important d’aborder le contexte du film. Car à l’image des Gardiens de la Galaxie, Black Panther change radicalement le cadre du MCU. Le Wakanda, nation dont Black Panther est souverain, change le postulat de notre monde, malgré les critiques qu’il y adresse. Les messages et enjeux politiques sont prégnants (de même que les enjeux sociaux, j’y reviendrai). On sort de l’Afrique désertique, pauvre et bédouine à laquelle nous a habitués Hollywood. On se retrouve dans un pays autonome, ultra-développé et qui allie habilement modernité et tradition. L’Afrique est célébrée dans Black Panther, plutôt que d’être réduite à un sous-continent dont on doit perpétuellement tenir la main.
Le film pose toutefois une question : si un tel pays africain existe, pourquoi n’a-t-il pas oeuvré à la pérennité du reste du continent ? La question est traitée à travers différentes perspectives mais de manière assez bancale. Néanmoins, l’importance du Wakanda sur l’échiquier mondial et surtout la tournure que prend ce dernier donne lieu à des réflexions intéressantes. Le message sous-jacent reste très manichéen (Disney oblige) mais Black Panther a le mérite d’investir le terrain politique dans un univers jusqu’à présent très apolitique (malgré quelques messages niais ci et là). La représentation étincelante et crédible du Wakanda souffre toutefois d’un gros défaut : tout le monde y parle anglais. Et pour camoufler, on leur donne des accents africains. Or, le film nous montre bien qu’ils disposent de leur propre langue donc pourquoi ?
Umculo Omhle
Si le Wakanda resplendit, c’est aussi grâce au directeur photo qui nous flatte la rétine avec des plans majestueux. Que ce soit dans le Plan Ancestral où le roi T’Challa rencontre les rois du passé. Les néons de Busan en Corée du Nord. Ou encore les chutes d’eau somptueuses du Wakanda qui flirtent avec ses gratte-ciels et sa technologie digne d’un roman SF… On peut remercier la réalisation qui dote le film d’une plastique à la hauteur de ses ambitions. Reste que le plastique, c’est pas toujours joli. Et comme souvent dans le MCU, le film accuse une tonne d’effets numériques douteux (comme des rhinocéros qui semblent modélisées en plasticine 3D).
Les scènes d’action souffrent également du trop plein numérique. La course-poursuite principale du film est à la fois pénible à suivre et sans saveur. On ne se sent pas investi dans l’enjeu du moment. Quant aux combats, hormis quelques cadrages foireux, ils proposent la dose d’action satisfaisante qu’on peut attendre d’un tel film. Mais ce sont surtout les oreilles qui savourent Black Panther. La musique renforce l’ambivalence du contexte, entre morceaux africains, hip hop amércain ou encore le savant mélange des deux, le tout saupoudré de notes d’instruments traditionnellement occidentaux. On peut remercier le duo Ludwig Göransson et Kendrick Lamar pour ce résultat qui détonne !
#BlackRolesMatter
La dimension sociale de Black Panther est davantage mise en avant que la politique. Hélas, elle souffre de la même maladresse. Dans l’ensemble, la trame de Black Panther s’avère prévisible (bien que divertissante) mais ce qui dérange, c’est l’absence de logique. Killmonger, l’antagoniste, lance des réflexions intéressantes et son combat post-colonial semble tout à fait légitime. Le personnage parvient même à susciter de l’empathie (toujours bon pour un méchant, surtout dans un film Disney). Mais sa représentation caricaturale, son évolution et les rebondissements le concernant relèvent plus souvent de l’obligation scénaristique que d’un choix narratif justifié. Pire, cela peut même délégitimer les propos sensés du personnage. Il aurait gagné à être plus – et mieux – exploité.
En revanche, la thèse de Killmonger renvoie à des problématiques réelles que Black Panther aborde, ne serait-ce que de manière implicite. Dans une industrie qui se distinguait il y a quelques années par le hashtag #OscarsSoWhite, le simple fait de voir un film célébrant et normalisant la culture africaine avec un casting majoritairement noir est un signe éminemment positif. Les personnages sont variés, crédibles, complexes et sortent des rôles essentialistes qu’on donne encore trop souvent aux acteurs et actrices noir.e.s. Le film va permettre à bien des spectateurs de s’identifier à des personnes qu’ils ne côtoient que peu souvent sur grand écran. De même, Black Panther est une épopée africaine, se focalisant sur le Wakanda et ses environs, le reste devenant secondaire. Ça nous change.
Black Panther : me dites plus que y a pas d’acteurs noirs !
Avant d’aborder le casting (car il faut de bons acteurs pour interpréter de bons personnages, n’est-ce pas ?), je tiens à partager une révélation choc. Saviez-vous que Chadwick Boseman (alias T’Challa/Black Panther) avait 41 ans ?! J’en suis encore tout retourné, je croyais le mec plus jeune que moi (non, me demandez pas mon âge !). En fait, l’acteur ne joue dans de grosses productions que depuis quelques années. On peut donc saluer Marvel qui a donné l’occasion à une personne peu connue du grand public d’endosser un rôle aussi important dans le MCU. J’aurais d’ailleurs souhaité que le studio emploie plus d’inconnu.e.s car le reste du casting donne l’impression d’avoir réuni toutes les stars noires de Hollywood. Black Panther était pourtant l’occasion de donner sa chance à une nouvelle génération.
Reste que le casting est globalement très bon. Le jeu d’acteur suscite diverses émotions dans un film qu’on n’attend pas forcément sur ce terrain-là. Des scènes m’ont ému, là où je m’attendais à 2h15 de pur divertissement. Boseman (41 ans, bordel !) nous livre une jeune roi à la fois fougueux mais aussi sage et prompt à l’introspection. Danai Gurira et Lupita Nyong’o incarnent quant à elles deux personnages féminins crédibles et attachants. Quant à Michael B. Jordan, il rend son personnage plus nuancé que l’écriture maladroite qu’on lui a infligée. Enfin, on peut toujours compter sur Andy Serkis pour un rôle WTF, avec son criminel sociopathe YOLO qui semble manger de la mort-aux-rats au petit déjeuner.
Un bon Marvel avant Infinity War
On peut critiquer l’industrialisation des films de super héros, on peut reprocher à Disney de se remplir les poches mais il faut rendre à Mickey ce qui lui appartient. Après une période creuse qui a atteint le fond avec Doctor Strange, je ne croyais plus Marvel capable de produire de bons films avec des personnages en solo. Or, après Spider-Man Homecoming et Thor Ragnarok, le MCU nous prouve qu’il en a encore sous le capot. Ce n’est toujours pas du grand cinéma mais c’est divertissant et c’est surtout différent dans le cas de Black Panther. Mettant à l’honneur un cadre inédit et rafraîchissant (surtout dans le contexte mondial actuel), le film de Ryan Coogler met en scène un héros digne de son rang royal. On a hâte de le retrouver dans Infinity War…
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à faire un tour sur le site officiel de Black Panther.
À bientôt sur Sitegeek.fr,
Musa
Bande-annonce