Sagas of the Icelanders est un jeu de Gregor Vuga traduit par 500 Nuances de Geek récemment. Il vous propose de rejouer à table les Sagas islandaises : les récits des premiers colons à s’être implantés en Islande, au VIIIe siècle de notre ère. Un jeu historique, donc, qui laisse la place à la magie et la mystique pour ceux qui le désirent.
On décortique Sagas of the Icelanders
La VF des règles de Sagas of the Icelanders prend la forme d’un livre de 128 pages (12€ en PDF, 35€ en papier). Après les crédits, Sagas of the Icelanders contient :
- Jouer aux sagas (38 pages) introduit le sujet et décrit l’ensemble du système de jeu ;
- L’Islande (10 pages) présente plusieurs sujets de contexte historique ;
- Le Peuple (28 pages) décrit les différents livrets de personnage accessibles ;
- Aller de l’avant (18 pages) propose des thèmes forts autour desquels axer une campagne de Sagas of the Icelanders ;
- Annexes (15 pages) livre cinq articles pour explorer des thématiques particulières.
Un index et divers remerciements clôturent le livre.
Univers : L’Islande, entre rêve et réalité
Sagas of the Icelanders est un jeu historique mais laisse la porte ouverte au rêve. Et surtout, donne tout pour que la table passe de lHistoire à son histoire choisie. Soyons francs : je ne connaissais rien aux sagas avant d’ouvrir le livre. J’avais écouté un podcast de 2D6+cool et j’avais quelques photos de vacances relayées sur les réseaux par des amis. Le jeu m’a pris par la main avec brio. Dans les premières pages du livre, on trouve d’ailleurs un passage très malin pour nous aider à nous représenter les sagas.
En rapprochant la saga du western, du post-apocalyptique et de la fantasy, Vuga nous raccroche à des univers qui nous parlent. Puis il précise en quoi ce n’en est pas, pour établir les spécificités de la saga par rapport à tous ces styles. Une stratégie intelligente, qui se confirme plus loin. Les points d’univers sont précis, pratiques, clairs. En peu de mots, il donne beaucoup de matière à imaginer l’Islande, à la recréer à table. Tout en précisant que c’est à nous de nous l’approprier.
Vuga nous dépeint des petites communautés isolées, constituées de gens ayant fui la guerre et la persécution. Ils n’ont que leur honneur et leur confiance pour survivre à une terre désolée et à un climat rude. Ils s’appuient sur les leurs, tentent de se créer des lois tout en gardant le code de l’ancien monde qu’ils ont quitté. Le tout pour survivre un autre hiver.
Design & lisibilité : une version française qui fait grincer
Sagas of the Icelanders a fait l’objet d’une version française dans le cadre de la “vague apocalypse” lancée par 500 Nuances de Geek à la mi-2017. La traduction de sept jeux motorisés par l’apocalypse a alors été financée. Je n’ai lu que Sagas parmi ceux-ci. Mais le résultat est très décevant.
Si le fond du jeu est d’une intelligence et d’une élégance rares, sa forme laisse à désirer. Coquilles et problèmes de mise en page se succèdent. Certaines phrases sont difficiles à comprendre tant elles sont alambiquées. Les illustrations créées pour le jeu sont superbes, mais l’ajout de nombreuses images libres de droit brise l’unité graphique du tout.
Enfin, les aides de jeu ne sont trouvables nulle part pour le moment. Or, quiconque a déjà joué à un jeu motorisé par l’Apocalypse sait l’importance d’avoir les actions des PJ, les fronts et menaces de MJ sous les yeux à tout moment. C’est un incontournable de ce type de jeu. Je n’ai pas pu les trouver malgré de longues minutes à fouiller les internets. Je ne sais pas comment, maintenant que la version papier est sortie, les personnes intéressées par le jeu vont pouvoir y jouer confortablement. J’espère que 500 Nuances de Geek sortira tout cela au plus vite. A défaut de relire convenablement leur livre.
Système de jeu : Le charme apocalyptique
Sagas of the Icelanders utilise le système “motorisé par l’apocalypse” dont on vous a déjà bien parlé. Il se l’approprie élégamment. Les actions de PJ sont divisées entre actes généraux, actes de femmes et actes d’hommes. Oui, selon le genre de votre personnage, il n’aura pas accès aux mêmes actions en jeu. Les femmes persuaderont les hommes d’agir et feront preuve de sagesse et de charme. Les hommes s’insulteront et laveront leur honneur en duel.
Cette séparation peut faire grincer des dents mais se défend par la volonté d’émuler un genre précis. Vuga retranscrit les rôles que les sagas attribuent aux hommes et aux femmes. Et puis la possibilité est laissée sur le long terme de transgresser les barrières mises au genre et d’amener un propos antisexiste à table. Il faudra simplement se battre pour cela – comme dans la vie. Par ailleurs, le système ne décrit que des actions très précises, centrées sur les rapports humains. Le reste est à la discrétion du meneur et de la table, ce qui peut être déroutant par moment mais permet de garder le propos centré sur ces questions d’honneur, de rôles des genres, de survie ensemble.
Côté meneur, les outils sont nombreux et pratiques. C’est facile de créer des dynamiques qui seront efficaces en jeu, d’autant que la création des personnages amène déjà un faisceau de relations très intéressantes. Il faudra “simplement” s’en emparer en partie. D’autres outils promettent de beaux développements en campagne : possibilité de passer d’une génération à l’autre, gestion sommaire de la communauté dans son ensemble, etc. Ca promet des parties de 10-12 séances riches et variées.
Et quand on joue ? Une prophétie qui se réalise
Et quand on joue ? Une prophétie qui se réalise
J’ai mené une partie de Sagas of the Icelanders avant d’écrire cette critique. Quatre joueurs étaient à table, dont l’un qui jouait son premier jeu motorisé par l’apocalypse et trois vétérans de la pratique. La partie a été géniale. Après une heure de création environ, j’avais largement de quoi mener plusieurs parties. Des relations asymétriques, des dettes et des promesses, des enjeux des uns sur les autres… J’ai dû écarter une partie des PnJ pour me centrer sur une plus petite histoire, qui tiendrait dans les deux heures passées ensuite à raconter la vie d’une petite communauté au sortir de l’hiver. Une sombre histoire de prophétie que des mortels ont voulu contrecarrer et qui s’est violemment rabattue sur eux. Comme les Nornes l’avaient décidé…
Conclusion : Entrez dans la légende
Saga of the Icelanders est un excellent jeu. Vuga fait un travail remarquable pour rendre accessible un univers très différent du nôtre. En se centrant sur des problématiques et dynamiques précises, il nous offre un jeu à la fois clair dans la proposition et profond dans les possibilités. Et il s’appuie pour cela sur un système qui a fait ses preuves mais qu’il s’approprie brillamment. La version française du jeu, malheureusement, n’est pas à la hauteur de ce bijou. Et reste chère : 35€ pour un jeu de 128 pages truffé d’illustrations libres de droit, ça fait beaucoup. Si vous en avez les moyens, que vous voulez vivre des histoires humaines passionnantes dans un cadre dépaysant, n’hésitez pas. Saga of the Icelanders est un grand jeu.
À bientôt sur Sitegeek,
Manu
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Saga est un excellent jeu. Il allie cadre historique dépaysant et système de jeu très efficace pour offrir une expérience puissante centrée sur des drames humains.