Dragon Age est édité par Green Ronin est un jeu de rôle papier directement hérité du jeu vidéo portant le même nom et créé par BioWare. La gamme a été traduite par Black Book en français. L’univers et l’ambiance y sont détaillés avec soin et précision, les conseils de jeu sont nombreux et pertinents mais le système nécessite du temps pour devenir fluide.
Dragon Age a commencé avec un jeu vidéo sorti en 2009 et développé par BioWare, et s’est depuis décliné en suites et add-ons mais aussi en romans et comics écrits, pour la plupart, par le scénariste du jeu David Gaider. Il a participé au développement de Baldur’s Gate 2, Neverwinter Nights et Star Wars : Knights of the Old Republic, des jeux qui ont fait le succès deu studio. Il y a même eu des artbooks et des livres à colorier pour adulte, ainsi qu’un film d’animation et une web-série Dragon Age Redemption. L’arrivée d’un jeu de rôle dans cet univers ne s’est pas fait attendre. Une première édition était sortie en 2010 éditée Green Ronin, suivie d’une seconde en 2015 et traduite en français par Black Book suite au succès du financement participatif réalisé fin 2016. Le jeu a été livré un an et demi plus tard en mai 2018.
À l’ouverture du colis, je me suis retrouvé face à du beau matériel complet. Composé de plusieurs ouvrages, le lot comprend Dragon Age, le livre de base, avec une carte du monde de Thédas, l’écran du meneur de jeu avec ses aides de jeu cartonnés et plastifiées, Massacre en Ferelden – un recueil de 3 scénarios en noir et blanc – et Aventures en Ferelden, un autre recueil de 3 scénarios, tout en couleurs. Le tout est de très bonne qualité, on analyse les différents éléments tout de suite !
On décortique Dragon Age – Livre de Base
Le livre de base est un imposant et magnifique ouvrage de 438 pages tout en couleurs. En format A4, ses pages sont agréables au toucher : glacées, lisses et douces, tout en étant fines. Le matériel est d’excellente qualité. La table des matières est complète, on retrouve aisément les informations à partir d’un mot-clé. Enfin, un signet en tissu noir permet de garder la page de lecture actuelle.
- Introduction : brève présentation générale du jeu de rôle (5 pages) ;
- Chapitre 1 : La création du personnage, pas à pas (36 pages) ;
- Chapitre 2 : Les règles du jeu (21 pages) ;
- Chapitre 3 : Compétences, talents et spécialisations dans la continuité de la création de personnage (19 pages) ;
- Chapitre 4 : Armes, armures et équipements. Tout ce qu’il faut pour partir à l’aventure en toute sécurité (25 pages) ;
- Chapitre 5 : La magie, les différents ordres et fonctionnement (29 pages) ;
- Chapitre 6 : Techniques de jeu de rôle avancées, attitude du joueur, objectifs du personnage, gérer son propre domaine ou organisation (23 pages) ;
- Chapitre 7 : Bienvenue en Thédas, histoire du monde, cultures et organisations (46 pages) ;
- Chapitre 8 : L’art du meneur de jeu, conseils sur la maîtrise générale d’une partie de jeu de rôle (13 pages) ;
- Chapitre 9 : Du bon usage des règles, conseils sur l’utilisation des règles du jeu (22 pages) ;
- Chapitre 10 : Mener une campagne, conseils pour la réalisation d’une campagne de Dragon Age (18 pages) ;
- Chapitre 11 : Les secrets de Thédas, toutes les informations sur les mystères et la face caché du monde de Dragon Age (18 pages) ;
- Chapitre 12 : Les adversaires, présentation des fiches des PNJ et bestiaire (45 pages) ;
- Chapitre 13 : Les récompenses, points d’expérience, trésors, titres, réalisations d’objectifs (26 pages) ;
- Aventures en Thédas : trois scénarios différents (86 pages) ;
- Annexes : glossaire, références de jeu, index, contributeurs au financement participatif et feuilles de personnage (14 pages).
Univers : dark fantasy pas si manichéenne
Dans le jeu de rôle comme ailleurs, on retrouve souvent le combat du bien contre le mal, les bons contre les crapules, le méchant qui veut tuer le gentil et des adversaires facilement reconnaissables qu’ils soient orques, morts-vivants, etc. Mais il y a des univers, qu’ils soient tirés de jeux vidéo comme Dragon Age ou inspirés d’œuvres littéraires, qui cherchent à surfer sur d’autres paradigmes. Alors certes, dans Dragon Age il y a toujours une sorte de mal absolu, à savoir l’engeance, mais la plupart des situations proposées dans les scénarios et la présentation du cadre de jeu sont sombres et confrontent souvent deux ou plusieurs objectifs différents sous forme de dilemmes avec lesquels les PJ vont devoir trancher. Le monde de Thédas est dit sombre car les “monstres” se cachent souvent dans le cœur des humains et autres races considérées généralement comme “bonnes” comme les elfes, les nains, etc. Ce sont souvent eux qui commettent les pires exactions sous couvert de sainteté, et il est plus difficile de pointer du doigt un humain aux airs d’ange qu’une difformité.
Dragon Age a comme particularité l’engeance qui est le réveil régulier d’une armée de créatures horribles détruisant tout sur leur passage. Les êtres vivants touchés par ce mal se transforment en ces créatures destructrices et le fer de lance des armées qui tentent d’y résister sont les Gardes des Ombres. Mais contrairement à des héros en armure rutilante, ces femmes et ces hommes ont abandonné leur vie et pratiqué le rituel secret de l’Union qui les lie pour toujours avec le mal qu’ils doivent combattre. Tout comme The Witcher, Dragon Age met davantage en avant une perception de ce qui est bien ou mal plutôt personnelle. Les organisations “officielles” étant inexistantes, gangrénées de l’intérieur ou composées de personnes égoïstes, ne restent que les positions de quelques individus qui rendent une forme de justice par eux-mêmes dans un monde dur et sombre.
L’univers est décrit tout au long du livre de base mais le gros morceau se trouve au centre (pages 152-196) et présente les civilisations de Thédas. Les images qui accompagnent la lecture de ce chapitre illustrent le type de terrain, les constructions et le(s) style(s) vestimentaire(s) rencontrés dans les régions décrites. Les points clés de chaque civilisation sont abordés : culture singulière, religions et croyances, organisations, événements historiques forts, vie quotidienne, etc.
Le chapitre sur les secrets de Thédas se trouve dans la section réservée au maître de jeu et regroupe tous les détails croustillants à découvrir dans la partie, c’est pratique et cela facilite le travail du meneur. Des réponses à des questions comme l’origine de l’engeance, le rituel de l’Union, la corruption sont révélées dans ce chapitre.
Design & lisibilité : on en a pour notre or
Le livre en lui-même est très agréable à manipuler, quoique lourd mais j’aime tenir un objet qui a un certain poids entre les mains. Les pages ont l’odeur et le toucher des magazines couleurs que l’on peut trouver en kiosques. Un thème de couleur rouge, noir et blanc se retrouve dans tous les ouvrages, c’est-à-dire le livre de base, l’écran, les aides de jeu et un des recueils de scénario. Le second est en noir et blanc. La combinaison tricolore et les images qui accompagnent le lecteur rend la lecture aisée et agréable tout en maintenant l’immersion dans l’univers. Les paragraphes sont ponctués, en sus des noms de chapitre, d’en-têtes qui permettent de trouver facilement les informations dans le texte.
Venons-en justement au texte, après avoir lu plus de 90% du livre de base en me baladant dans tous les chapitres sans être systématique, je n’y ai pas trouvé une seule faute qu’elle soit de frappe, de conjugaison ou de syntaxe. La table des matière est détaillée, on y trouve les différents chapitres, titres et sous-titres. La fin du livre propose un glossaire qui reprend quelques concepts clés en plus des références de jeu (que l’on retrouve sur les 4 fiches récapitulatives accompagnant l’écran du meneur) et un index. Chacun s’avère bien utile pour retrouver les informations dans l’épais bouquin. Contrairement au plus vieux jeux de rôle, Dragon Age comprend absolument tout ce qui est nécessaire pour jouer au jeu. On y retrouve les règles, les conseils au meneur et à la gestion d’une campagne, des règles optionnelles, et enfin le bestiaire bien fourni pour le prix de 64,90€.
Système : à la recherche de la prouesse
Le système de jeu se veut simple sur le principe : on lance 3 dés à 6 faces qu’on additionne et auxquels on ajoute un modificateur de caractéristique, il faut atteindre un seuil de réussite défini par le meneur. Un des trois dés est différent et s’appelle le dé dragon, il définit la qualité de la réussite d’une action. Si on obtient un double sur les dés, le personnage peut activer des prouesses déterminées par le score du dé dragon. Suivant la situation, que ce soit un combat, l’utilisation de magie, l’exploration ou une joute verbale, un double peut surgir et dans ce cas la joueuse est renvoyée au tableau correspondant pour chercher l’effet qu’elle peut “acheter” avec ses points de prouesse. L’idée est plaisante sur le papier, mais avec le nombre de tableaux on peut s’inquiéter du temps nécessaire, suite à un jet de dé, pour trouver la ou les prouesses qui nous intéressent.
Un personnage est défini par huit attributs qui possèdent un modificateur allant de -2 à +4 (à la création) se combinant avec le résultat des 3d6. Le score doit alors battre une difficulté (la moyenne est à 11, à titre d’exemple) et peut obtenir un bonus si la compétence adéquate est notée sur la fiche de personnage. La joueuse a d’ailleurs le choix car ce ne sont pas moins de 80 compétences que l’on peut trouver dans les règles du jeu. La liste d’équipement suit la même logique d’exhaustivité que les compétences, on y trouve tout, de l’équipement classique tel que les armes et armures, mais également le prix pour une assiette, à un balai voire un oreiller. Enfin, pour compléter la fiche de personnage, des talents et spécialisations sont à disposition des joueuses pour distinguer leur alter-ego d’un autre car seules trois “classes” sont disponibles : le guerrier, le mage et le voleur.
La joueuse est accompagnée, pour l’élaboration d’un personnage, à l’aide d’étapes, et Dragon Age cherche à mettre en avant l’univers et la profondeur des héros de Thédas. Une trentaine d’historiques sont à disposition, chacun apportant ses petits bonus. Cette volonté de remettre le personnage et son histoire au cœur du jeu a été suivie par le plus vieux des jeux de rôle, et c’est un premier pas qui est encore perfectible pour des jeux comme Dragon Age possédant un corpus de règles important pour le combat.
Répartis tout au long du livre de base se trouvent des conseils tant pour les joueuses que pour les meneuses. Bien évidemment plusieurs chapitres entiers sont dédiés à l’art de mener une partie de jeu de rôle : la gestion des règles et d’une campagne, mais aussi des conseils pour qu’une partie se déroule dans les meilleures conditions : choix du lieu, gestion des pauses, matériel utile, etc. La gestion du groupe n’est pas en reste, car le livre aborde les différents types de maîtrises que l’on peut rencontrer – la meneuse est invitée à se reconnaître dans l’un ou l’autre style – avec les avantages et inconvénients que cela comporte. La lectrice pourra aussi trouver une présentation des différents types de joueuses qu’elle pourrait avoir à sa table avec, une fois de plus, les avantages et inconvénients ainsi que les moyens de les garder dans la dynamique de groupe. Le chapitre de l’Art du meneur de jeu se termine par une liste de choses à faire et ne pas faire lors des parties.
Comme la dynamique de groupe est une collaboration entre meneuse et joueuses, ces dernières ont droit elles aussi à un chapitre dédié : Technique de jeu de rôle avancé. La lectrice y trouvera une partie sur les objectifs de personnage avec le choix de la réussite ou de l’échec, à discuter avec la meneuse pour l’intégrer à la campagne. Le chapitre détaille aussi le système de jeu pour la gestion d’un domaine ou d’une organisation par les joueuses, une fiche est même dédiée à cela, mais si c’est totalement optionnel. Enfin, cette section propose des conseils pour l’interprétation de son alter-ego pour le rendre intéressant avec des remarques pleines de bon sens sur l’attitude à table et/ou la bonne entente entre joueuses et avec la meneuse qui dépassent le cadre de Dragon Age et sont totalement utilisables pour d’autres jeux.
Des scénarios en quantité et qualité
Les 9 scénarios proposés avec la gamme – que l’on retrouve dans le livre de base (3), Aventures en Ferelden (3) et Massacre en Férelden (3) – regroupent les éléments suivants :
- Les aventures se veulent sombres, dures et non manichéennes.
- Chaque aventure se présente avec un résumé général, des idées pour impliquer les personnages dans l’histoire, se découpe en 3 ou 4 parties regroupant chacune plusieurs scènes. À la fin de chaque partie, un bon paragraphe aborde la résolution et les conséquences éventuelles qui vont avoir une influence sur le chapitre suivant.
- Faux-semblants, traîtrises, intérêts opposés, les scénarios se veulent complexes avec des PNJ et des factions fouillés.
- Chaque aventure peut durer jusqu’à 3 à 5 séances de jeu au vu de la quantité de matériel qu’elle propose, et les répercussions -qui dépendent des actes des PJ- laissent des portes ouvertes à une suite.
- Massacre en Férelden est totalement en noir et blanc, Aventures en Ferelden ainsi que les scénarios du livre de base sont en couleurs.
- Toutes les aventures laissent la liberté aux joueuses de choisir un camp plutôt qu’un autre, voir trouver une autre direction, mais généralement il y a un acte “meilleur” que les autres sauf pour 2-3 aventures qui mettent clairement les joueuses face à un dilemme moral devant lequel elles vont devoir trancher avec toutes les conséquences que cela implique.
Écran du meneur – Sortez les lunettes !
L’écran côté joueuses présente un champ de bataille mettant face à face les engeances déchaînées d’une part, et de l’autre le calme de la garde des ombres. Côté meneuse, on trouve un résumé des éléments importants du jeu : de gauche à droite on trouvera une liste complète des compétences du jeu et de leur utilisation, les règles et prouesses de combat, l’équipement de combat et les points d’expérience recommandés. Avec l’écran viennent 4 fiches recto-verso épaisses et plastifiées qui résument une bonne partie des règles – combat majoritairement -, une carte du monde en couleurs et un mémo de combat sur lequel on peut écrire avec un marqueur effaçable à sec (non fourni).
La taille des caractères utilisés pour l’écran est assez petite et les informations sont condensées. Si on peut louer l’exhaustivité, chercher une information en cours de partie nécessite de se pencher en avant pour bien voir et n’est pas aisé. Une partie des règles sont résumées – heureusement ! – mais un numéro de page pour trouver les explications complètes dans le livre de base aurait été apprécié. Les fiches sont des aides de jeu à destination des joueuses et/ou de la meneuse et sont complètes, agréables à manipuler, la taille des caractère y est plus grande que sur l’écran et facilite la lecture. Le mémo de combat est bien pratique pour un jeu comme Dragon Age où le suivi des actions est important.
Et quand on joue ? Promesse tenue
Le système de jeu est stimulant et les prouesses apparaissent plus souvent que les “critiques” tels qu’on les voit dans d’autres systèmes de jeu. Les “chances” d’obtenir un double avec 3 dés à 6 faces sont plus grandes que dans les jeux de fantasy ou d’horreur les plus connus. La joueuse – ou meneuse – peut choisir dans une liste ce qui convient à la situation, même si les effets sont moins forts, en comparaison, que dans d’autres jeux. Il est toutefois possible de compenser en choisissant bien. D’un autre côté le système de prouesses ralentit le jeu, du moins au début, comme je l’avais soupçonné à la lecture des règles. Plusieurs parties sont nécessaires pour commencer à connaître les prouesses et avoir ses préférences afin de les choisir plus rapidement et accélérer le jeu. Le système de niveaux permet de gagner des talents avec lesquels jouer pour des adeptes de la personnalisation et/ou de l’optimisation.
L’univers fouillé et sombre de Dragon Age suscite la curiosité des joueuses qui ne le connaissent pas et donne envie d’en apprendre plus. Pour les joueuses des jeux vidéos, c’est un plaisir que de se retrouver dans le monde de Thédas pour y vivre de nouvelles aventures. Le côté rafraîchissant d’éviter le simple “bien vs mal” dans un monde médiéval fantastique est un plus du jeu que l’on retrouve dans ses scénarios clés en main.
Conclusion :
Dragon Age est avant tout un univers dans lequel j’ai envie de jouer. Les auteurs ont réalisé un travail conséquent pour offrir un maximum d’informations sur le monde de Thédas. Le système de jeu est original et simple d’apparence, mais se complexifie avec la mécanique des prouesses et les talents gagnés en montant de niveau. Le matériel est de toute beauté et de qualité, combiné à un univers complet et passionnant, c’est un jeu qui vaut la peine qu’on s’y intéresse, surtout si on cherche à diversifier sa ludothèque med-fan.
À bientôt sur Sitegeek,
Cédric
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