Le D sur la Table est un jeu de rôle édité par La Plume de Cyrano sorti en octobre 2017. Le livre de 92 pages s’accompagne d’une multitude de fiches et propose une campagne et un système prêts à jouer, dans un cadre contemporain avec une bonne dose de surnaturel. Le tout sous la menace pesante du D…
“MJ entre dans la pièce, les PJ l’attendent, déjà installés autour de la table.
MJ, armé de son sourire mystérieux pas si mystérieux : Chers amis, savez-vous à quoi nous allons jouer aujourd’hui ?
Les PJ ne savent pas trop quoi répondre et hochent la tête tour à tour.
MJ met la main dans la poche intérieure de son veston… Il y cherche quelque chose de manière très (trop ?) théâtrale. Les PJ se penchent inutilement, espérant voir ce qu’il va en sortir. Soudain, MJ sort d’un geste vif un minuscule objet qu’il dépose avec fracas sur la table.
MJ : Le D sur la Table !
Les PJ regardent, clignent des yeux tandis qu’ils déchantent. Ils s’attendaient probablement à quelque chose de plus spectaculaire après tout ce cinéma.
PJ 2, perplexe, regarde MJ : Et euh… On va jouer à quoi, du coup ?
MJ cligne des yeux à son tour, ne comprenant visiblement pas la question de PJ 2 : Ben… au D sur la Table *dit-il en montrant le dé qu’il vient de poser sur la table*.
PJ 3 intervient : Non mais c’est bon, on a compris que t’as mis un dé sur la table, on te demande c’est quoi le jeu.
MJ, surpris par ces questions et à la fois déçu que son coup de théâtre n’ait pas eu l’effet escompté : Non mais c’est ça, Le D sur la Table !
Voyant MJ de plus en plus agacé et haussant le ton, PJ 1 tente d’intervenir à son tour pour, plus calmement.
PJ 1, avec un sourire encourageant : Non mais MJ, t’inquiète pas, on a bien vu qu’il y avait un dé sur la table. Et il est très joli, d’ailleurs. Si, si, vraiment. Mais nous, ce qu’on veut savoir, c’est comment s’appelle le jeu auquel on va jouer ce soir.
MJ se met en colère et montre une nouvelle fois le avec bien trop de vigueur : Non mais vous le faites exprès ou quoi ?! C’est ÇA, le nom du jeu ! LE D SUR LA TABLE, bon sang !
Il sort alors le bouquin de son sac, sur lequel est effectivement inscrit Le D sur la Table.
Les 3 PJ s’écrient “Ah” d’un coup et comprennent l’origine du malentendu.
MJ s’effondre sur sa chaise, déçu par cette nouvelle intro ratée. Les PJ s’échangent des regards gênés.
PJ 1 prend enfin la parole : Ouais enfin en même temps, il porte mal son nom hein.
MJ : …”
On décortique Le D sur la Table
La couverture, la table des matières, les crédits ainsi qu’une introduction couvrent les 6 premières pages. Ensuite, Le D sur la Table contient :
- Système de jeu (13 pages) présente les pré-tirés de la campagne et explique comment lire leurs fiches, avant de passer au système de résolution, aux PNJ et enfin aux combats, qui ont droit à un exemple étalé sur deux pages ;
- Le D et les portails (11 pages) décrit le concept du jeu, plus particulièrement le fonctionnement du fameux D sur la table, la manière dont il augmente, les bonus qu’il octroie, les indices qui l’entourent, et s’intéresse ensuite au contexte du jeu, son histoire, ses personnages importants ;
- San Francisco (6 pages) est un mini-chapitre “historique” qui reprend les différentes zones géographiques du jeu et décrit très succinctement le mode de vie qui y prévaut ;
- Démarrer la campagne (55 pages) est le dernier chapitre du jeu et propose un préambule sur la manière de gérer la campagne, avant de passer aux 25 séquences composant celle-ci.
Le bouquin s’accompagne de 21 fiches rangées dans la couverture, dont les 6 personnages pré-tirés, quelques fiches résumant les règles de résolution et de combat, d’autres regroupant les indices liés au D et enfin des fiches d’aides de jeu destinées aux PJ.
Univers : Si notre monde était une parodie paranormale…
Autant vous le dire tout de suite, Le D sur la Table est un jeu très particulier. On part d’un scénario à secret classique pour aboutir à un univers nimbé de surnaturel/occulte et de WTF. À la lecture du contexte et du scénario, on sent que l’auteur a pris beaucoup de plaisir à imaginer son jeu. On trouve ainsi rapidement ses marques et la lecture se poursuit très agréablement.
Sans vous spoiler, sachez que les joueurs y incarnent des quidams vivant en Californie (région de San Francisco), à qui il arrive des choses incroyables sans raison apparente. Aux PJ de remonter à la source du mystère. Une route semée d’embûches et de rebondissements surprenants. Notez toutefois que le jeu, qui semble très sérieux de prime abord, se permet quelques folies. Vous y croiserez des figures publiques comme vous ne les aviez jamais vues et cet excès de délire peut dérouter les joueurs en quête d’une expérience plus sérieuse ou immersive. Vous voilà prévenus.
Design & lisibilité : simple, pédagogique et rapide à lire
Si Le D sur la Table est si agréable à lire, c’est parce qu’il est bien écrit. Comprenez par là que l’auteur ne s’est pas embêté avec des détails insignifiants, des circonvolutions fastidieuses ou un langage châtié. Il va droit au but et s’adresse au lecteur comme à un compagnon de table. C’est d’ailleurs un élément qui traverse l’ouvrage, celui d’un rôliste qui part de ses propres expériences pour en livrer une qui lui plaît, et qui devrait donc a fortiori plaire aux autres. Comme j’ai coutume de le rappeler, le plaisir peut être contagieux et là on est très vite infecté.
Le D sur la Table jouit également d’une structure limpide, même si elle semble à première vue un peu chaotique. Les exemples sont mis en évidence et permettent au lecteur de visualiser les éléments de jeu, à commencer par les règles. Les illustrations sont à l’image du reste, simples et évocatrices, le tout sur un design grisâtre un brin tristounet. On aurait apprécié un peu plus de couleurs. Le bouquin propose également quelques photos en guise de décor, un procédé qui ne me plaît généralement pas mais qui fonctionne très bien ici, notamment grâce au ton noir & blanc (comme quoi…). Enfin, les fiches font parfaitement leur job, même si les résumés de règles auraient pu prendre la forme d’un écran.
Système : bye, bye, immersion
C’est probablement le point qui me laisse le plus perplexe. Je trouve le système très fluide et facile à prendre en main. Il ne faut littéralement pas plus de 15 minutes pour commencer à jouer. Prenez 2D6, votre attribut (Corps, Coeur ou Tête) et dépassez le seuil de difficulté défini par le MJ. Ajoutez les traits et autres bonus/malus et vous êtes prêts à jouer. Viennent ensuite les combats, qui reposent le même système mais s’agrémentent du Momentum. Celui-ci constitue une alternative à l’initiative et a pour but de dynamiser les combats. L’idée, c’est de donner l’avantage au camp qui réussit l’action. Concrètement, si un joueur initie le combat, les PJ attaquent à tour de rôle aussi longtemps qu’ils réussissent leurs actions. Dès qu’ils échouent, c’est au tour des PNJ sur base du même principe.
Jusque là, rien de transcendant. Un système simple, efficace et servant de parfait outil pour se concentrer sur la trame. Le twist, c’est le fameux D sur la table. En fonction du nombre de joueurs autour de la table, vous devez poser dessus un D6, un D8 ou un D10, la face 1 devant être visible. Selon une série d’événements connus du MJ, ce dernier va “augmenter” le dé, qui va passer à 2, puis 3 et ainsi de suite. Une fois qu’il atteint le maximum, un événement potentiellement dangereux survient. Mais les joueurs peuvent profiter du dé également… à condition de deviner quels sont les événements qui le font augmenter. Leurs personnages peuvent ainsi obtenir une série de pouvoirs. Bref, ce fameux D occupera donc les joueurs, au détriment des personnages puisque Le D sur la Table invite clairement à sortir régulièrement de l’immersion.
Et quand on joue ? On se croirait dans un quiz…
Comme je le craignais en lisant le système, Le D sur la Table est un jeu en deux temps. Il jongle constamment entre l’intrigue du jeu et le mystère du D. J’ai même l’impression que le D prend parfois le pas sur le scénario, ce qui est dommage pour quiconque s’attend à une expérience immersive. Dans la mesure où cette dimension est parfaitement assumée par l’auteur, je n’y vois pas un défaut à proprement parler mais plutôt un choix qui plaira ou non, selon les attentes des joueurs.
Néanmoins, une fois qu’on a assimilé ce principe et qu’on l’a accepté, Le D sur la Table constitue une expérience agréable, avec un scénario bien structuré (et dirigiste) ainsi que les réactions surprises et amusées des joueurs chaque fois que le D augmente. S’ensuit une série de suggestions des joueurs qui commencent tout doucement à guetter chacun de leurs gestes pour trouver la bonne réponse et permettre aux PJ d’obtenir de nouveaux pouvoirs. N’ayant pas terminé la campagne, j’ignore si cette dose de fun perdure tout le long. Quand bien même ce ne serait pas le cas, le retour à une campagne plus immersive ne peut de toute façon pas faire de mal.
Conclusion : Un bon jeu, ça ressemble à ça
Je suis toujours avide de nouvelles expériences et de jeux aux concepts originaux. Le tour de force de Bastien Lyonnet, auteur du jeu, c’est d’avoir intégré toute cette originalité dans un accessoire aussi banal qu’un dé. Certes, ce choix a des conséquences sur l’immersion mais il est parfaitement assumé par l’auteur et donne lieu à des échanges interactifs et conviviaux autour de la table. N’est-ce pas ce que nous cherchons en jouant, après tout ? Du reste, Le D sur la Table reste un jeu à secret relativement classique mais très bien conçu. On y jouera avec plaisir, passera un bon moment et y repensera quelques années plus tard en se disant “Ah oui, j’y ai déjà joué… c’était chouette”.
À bientôt sur Sitegeek,
Musa
Verdict
Univers
Design et lisibilité
Système
Et quand on y joue ?
Dès la lecture, on sent qu'on va s'amuser avec Le D sur la Table, sans qu'il soit un jeu mémorable. Mais parfois, mieux vaut un jeu divertissant qu'un jeu trop ambitieux qui se serait cassé la figure.
Salut Musa
Merci pour ta chronique sur ce jdr
Je l’ai acheté et je suis en train de chercher parmi mes joueurs lesquels seraient les plus intéressés.
Comme les PJ sont pré-tirés, pense-tu qu’il serait envisageable que le groupe de joueurs “mute” d’une séance à l’autre (si un joueur est absent ou a envie de changer de personnage par exemple) et que ça reste jouable ?
Merci pour ton retour
Alors ça, c’est une excellente question. Je n’y avais pas du tout pensé. Je dirais que c’est faisable et qu’il incombe du coup au MJ de jongler avec les éléments narratifs qui permettraient d’opérer ce changement.